Cher Journal,
Une de mes grandes angoisses en tant que travailleuse du sexe c’est d’attraper une infection sexuellement transmissible. Je sais que la plupart se soigne et je fais régulièrement des tests mais la crainte est toujours là, en particulier concernant le HIV: je sais qu’on n’en meurt plus mais je n’ai pas du tout envie de courir le risque de devoir prendre un traitement toute ma vie. Bien sûr avec le nombre de partenaires sexuels que j’ai, la probabilité que tout ne se passe pas comme prévu augmente et ce qui devait arriver arriva: il y a quelques mois j’ai eu un accident de capote.
J'étais avec un client que j'aime beaucoup et que je voyais pour la quatrième fois. J'étais couchée sur le ventre, lui allongé sur moi, et après qu’il ait joui on est resté comme ça quelques minutes. J'étais encore excitée alors j'ai continué à faire des mouvements de bassin pour sentir son sexe à l’intérieur de moi. Je me suis dis que c'était impressionnant comme j'étais mouillée, je sentais que ça glissait beaucoup. Et puis tout d’un coup j'ai compris ce qui était en train de se passer: j'ai attrapé son pénis à la base pour le sortir mais c'était trop tard, le préservatif avait glissé et j'avais du sperme à l'intérieur de moi.
J’ai eu vraiment très peur et j’étais dans la confusion la plus totale: je réalisais que c’était grave et que je devais faire quelque chose, mais je ne savais pas trop quoi exactement. Le paradoxe de la situation m’apparaissait très clairement: ma tête savait qu’il y avait un danger mais concrètement le sol ne s’était pas effondré sous mes pieds, il y avait juste un peu de liquide qui sortait de mon vagin et un homme confus assis sur un lit défait, pas de quoi se mettre à hurler. Il m'a tout de suite rassurée: il avait fait des tests trois mois auparavant et depuis il n'avait vu qu'une autre escort à part moi. Il m'a aussi demandé si je prenais la pilule, je n'y avais même pas pensé, heureusement que oui ! C’est dingue les conséquences possibles que ces quelques millilitres de liquide blanchâtre auraient pu avoir sur ma vie: un bébé, une maladie incurable…
J’ai gardé mon calme et j’ai rassemblé tous les souvenirs de ce que j’avais appris en théorie pour faire face à cette situation: je suis allée sous la douche, j'ai fait pipi et je me suis rincée. Après ça je ne savais pas trop si je devais aller aux urgences ou si j'allais juste attendre. Le lendemain je partais en vacances et si je voulais un traitement de prophylaxie contre le HIV (la Prep), je n'avais que 48 heures devant moi. J'ai appelé un ami médecin pour lui demander son avis. Au vu des risques très faibles j'ai décidé de ne pas aller à l'hôpital. J'ai fait des tests 3 mois plus tard et heureusement je n'avais rien.
En écrivant cette histoire je me souviens qu’en réalité j’avais déjà eu un souci de préservatif quelques années auparavant. C’était la première fois qu’on se rencontrait avec ce client. Au moment de la pénétration j’ai mis un peu de salive sur mon sexe pour que ça glisse mieux mais lorsqu’il est entré j'ai senti une quelque chose d’étrange, comme si un ballon de baudruche avait éclaté dans mon vagin (mais sans le son ;-). Je l'ai vite fait sortir et constaté que la capote avait craqué, il n’avait rien senti de son côté. Comme on venait de commencer, on ne s'est pas inquiété et avons simplement repris là où on s'était arrêté.
C’est des années plus tard que j’ai appris que c’était important de mettre du lubrifiant avec les préservatifs. Moi je pensais que ça ne servait que si on ne mouillait pas beaucoup et que mettre de la salive avait le même effet. En réalité le latex a tendance à dessécher le vagin et la friction qui a lieu lors de la pénétration fragilise le préservatif qui se casse plus facilement. J’ai beau savoir ça, je ne me sens pas très à l’aise de prendre le tube et d’en mettre machinalement: j’ai peur que mon partenaire pense que je ne suis pas assez excitée. Je cultive un côté très « occasionnelle » dans mon marketing et j’ai la crainte que ça fasse trop « pro » et que ce geste casse l’ambiance. Ce que j’ai trouvé comme alternative, c’est de mettre un peu de lubrifiant dans mon vagin juste avant la rencontre comme ça je suis prête n’importe quand et on dirait juste que je mouille naturellement. Si au cours de la pénétration les sensations ressemblent à des tiraillements ou à des brûlures, je n'hésite pas à en rajouter en disant que c'est parce que le préservatif me rend toute sèche au bout d'un long moment. Je n’ai jamais eu de soucis en faisant comme ça: mes amants ont plutôt à coeur que je prenne du plaisir et s’inquiètent si je leur dis que ce n’est pas confortable.
En tous cas ce que cette expérience m’aura appris c’est que même si j’ai encore envie de sexe quand mon partenaire a éjaculé, je dois le faire sortir de moi avant qu’il ne perde complètement son érection… La prochaine fois je lui demanderai de continuer à me faire du bien avec ses doigts au lieu de me tortiller pour quelques secondes de plus.