Cher journal,
Aujourd’hui je voudrais te parler de plaisir. C’est un mot que j’utilise beaucoup au quotidien et je pense que c’est un moteur dans pratiquement tout ce que je choisis de faire dans ma vie. En plus de ça, on peut dire que j’ai fait du plaisir mon métier donc ce concept mérite bien que je te parle de la relation qui nous lie.
Dans « la vraie vie », la recherche du plaisir est une des motivations principales pour lesquelles je fais l’amour. En temps qu’escort, ce n’est par contre pas la première raison pour laquelle j’ai des relations sexuelles. Cela n’empêche pas que j’aie beaucoup de joie à exercer mon métier, mais voilà, du plaisir charnel, je n’en ressens pas souvent…
C’est tout le paradoxe de ma relation avec ce travail: j’y prends énormément de plaisir mais pas forcément comme on s’y attendrait. Je suis passée par plusieurs phases dans ma relation au plaisir sexuel depuis que j’ai commencé l’escorting. Tout d’abord il y avait peu voire pas de différence dans la manière de ressentir le plaisir dans et hors du cadre professionnel. A vrai dire je n’avais même pas imaginé qu’il était possible de faire semblant ni même envisagé que le sexe avec les hommes qui me payaient puisse se montrer décevant. Et puis suite à une mauvaise expérience avec un client, j’ai décidé de « bloquer » les sensations de mon corps lorsque je travaillais. J’avais l’impression que me laisser aller au plaisir revenait à me rendre plus vulnérable à un danger potentiel et ça, je ne pouvais plus me le permettre. Paradoxalement, j’ai développé à partir de ce moment une hyper conscience de mes mouvements, de ma respiration mais aussi de mes perceptions sensorielles. Je pouvais donc choisir de ressentir ou non du plaisir corporel lorsque je faisais l’amour, et la plupart du temps, je décidais de limiter les informations que m’envoyait mon corps au strict nécessaire pour pouvoir donner l’illusion que j’étais en extase.
Depuis deux ans maintenant, j’ai décidé de considérer ma sexualité professionnelle comme faisant pleinement partie de ma sexualité globale, c’est à dire de m’autoriser à éprouver toute la palette des sensations que je peux y trouver et à l’investir également de ce qui me plaît à moi, pas seulement répondre aux attentes des clients. D’ailleurs pour la plupart d’entre eux, me donner du plaisir est important ! La transition ne se fait pas facilement. Souvent j’ai encore des hésitations à guider mes partenaires vers ce qui me plait et j’ai parfois peur de les mettre en insécurité si je leur dis qu’ils me font mal ou que je préfère qu’ils me caressent autrement. Alors j’ai essayé petit à petit: « Un peu plus doucement je suis sensible… », « Tu peux mettre un deuxième doigt ? J’adore ça… » et ça marche: j’ai l’impression que mes partenaires sont beaucoup plus attentifs à mes réactions et se montrent plus soucieux de ne pas me blesser. Là où avant il pouvait m’arriver de prendre sur moi et de serrer les dents, maintenant j’ose exprimer ce que je ressens et je vois que ça leur plait autant qu’à moi. Actuellement cette manière de faire me convient car mon travail est la partie principale de ma sexualité et je me dis que ce serait dommage de ne pas pouvoir en profiter moi aussi.
Je pense qu’une des raisons (inconscientes) pour lesquelles les hommes viennent me voir est d’être rassurés sur leurs performances sexuelles. On est dans une société dans laquelle ne pas être un bon amant est déterminant de sa valeur en tant que personne: je suis compétent sexuellement = je peux faire jouir Pussy = je suis un VRAI homme (à titre de comparaison, je n’ai jamais entendu quelqu’un mesurer sa validité d’être humain à l’aune de sa capacité à faire du roller ou à siffler avec un brin d’herbe par exemple). Je me donne comme mission de répondre aux besoins conscients ou non de mes clients, je considère que c’est important de booster leur estime d’eux-même et donc de leur faire croire qu’ils m’ont donné un orgasme.
Dans l’absolu j’adorerais pouvoir jouir réellement avec eux mais il y a un frein majeur à ce que cela arrive: la sexualité hétéro est construite sur la satisfaction des personnes porteuses de pénis plutôt que sur celle des personnes munies d’un clitoris… Je reviendrai plus en détail sur ce qu’on entend par « rapport sexuel » dans un autre chapitre de mon journal, cependant, force est de constater que la pénétration est au centre de la sexualité que j’ai avec mes clients et bien que j’y trouve du plaisir, ce n’est pas cela qui me fait jouir… Comme la majorité des femmes d’ailleurs.
Pour terminer, voilà une liste de tout ce qui me fait plaisir dans mon métier, avec ou sans orgasme:
Je suis curieuse de savoir ce que d’autres escorts pourraient ajouter à cette liste et ce que les clients diraient si on leur demandait ce qu’ils aiment dans un rendez-vous à part le sexe…
A bientôt
Pussy