Je m’appelle Pussy et ça fait 8 ans que je suis escort. Je n’aurais jamais cru qu’un fantasme d’étudiante s’éterniserait autant et prendrai une telle place dans ma vie. Malgré ce qu’on peut imaginer quand on pense à une prostituée avec quasiment une décennie de pratique, ma vie me plaît beaucoup et j’aime toujours mon travail. Bien sûr il y a des choses qui ont changé avec l’expérience, et même s’il y a moins d’excitation, je pense avoir la même joie à faire des rencontres qu’au début. Au fil du temps c’est devenu moins exceptionnel mais je continue à m’émerveiller d’avoir la chance de vivre cette vie. Je mentirais si je disais qu’il n’y avait eu que de belles expériences et ici j’ai décidé de ne pas cacher la vérité. Oui il y a eu des jours plus sombres, et encore aujourd’hui je suis parfois prise de doutes sur mes choix de vie… Promis, j’en parlerai plus tard.
Ce qui m’a attirée dans ce monde, c’est les filles. Comme pour beaucoup, la figure de la prostituée me fascinait ! Je me souviens que quand j’étais enfant et qu’avec mes parents on passait dans une zone de prostitution de rue, je regardais ces femmes en essayant d’imaginer leur vie et ce qu’elles ressentaient. Je me disais que quand je serai grande je paierais une fille juste pour qu’on puisse discuter et qu’elle me raconte sa vie. Je n’ai finalement jamais payé une escort pour qu’elle partage avec moi son quotidien, mais depuis que j’ai commencé ce travail, j’ai toujours cherché à rencontrer d’autres personnes « comme moi ».
J’ai travaillé un moment dans une agence et j’ai eu l’occasion de rencontrer d’autres travailleuses du sexe pendant des duos mais quand je leur ai proposé d’aller boire un verre après avoir fini avec le client, elles n’étaient pas motivées. Je me suis dit que c’était peut-être une manière pour elles de rester loin de ce milieu. Un peu comme si avoir une amie escort allait les confronter au fait qu’elles le sont aussi ? La société est tellement sévère avec celles qui décident de devenir filles de joie que c’est comme s’il fallait tout faire pour oublier voire nier cette étiquette qui nous restera attachée toute la vie. Parfois, vouloir rester dans l’illusion que l’on n’appartient pas à ce monde-là relève simplement de la survie psychique. Je le comprends très bien. Je reste cependant convaincue que pouvoir se reconnaître dans un autre être humain pour qui on a du respect et de l’estime, cela aide à s’aimer soi-même un peu plus et à être fière de qui on est quelle que soit l’activité qu’on exerce…
J’ai aussi essayé d’aller travailler dans un salon. Dans mon fantasme je rencontrais une communauté de filles qui auraient envie de partager ce qu’elles vivent, et cela allait être incroyable d’être ensemble, de partager notre quotidien. En réalité j’ai été très déçue: j’avais l’impression qu’elles se considéraient comme des rivales, qu’elles se comparaient tant au niveau des prestations que de l’argent gagné ou encore de leur physique. Elles se méfiaient les unes des autres, j’ai même entendu parler d’histoires de vols. J’ai trouvé ça triste et j’avoue que je ne m’y attendais pas… Ca m’a mise en colère: l’entier de la société nous considère mal à cause de notre métier alors entre nous on devrait être deux fois plus bienveillantes et encourageantes pour compenser ! C’était tellement bizarre cette ambiance que je suis très vite partie, avant même la fin de la semaine.
Je n’ai pas laissé tomber ma quête; j’ai mis des annonces pour trouver une compagne et proposer des plans à trois. J’ai eu la chance de rencontrer une fille géniale avec qui j’ai travaillé durant plusieurs années. Au début on n’osait pas se donner nos vrais prénoms, on était méfiantes. Et puis au fil des mois et des clients, on a commencé à se raconter et à échanger sur des choses plus intimes. Malgré toutes nos différences tant de caractère que de centres d’intérêts ou d’histoire de vie, évoluer au quotidien à la marge du reste du monde a servi de socle à notre amitié. En dehors l’une de l’autre, nous étions très seules et notre travail est quand même difficile: si on est complètement isolée je ne pense pas que l’on puisse s’en sortir indemne…
Lorsque l’équipe de Callmetoplay m’a demandé d’écrire dans un journal virtuel sur le site, j’ai tout de suite dit oui. J’ai envie de croire qu’il est possible de créer du lien à travers l’écran alors je le ferai en partageant mon quotidien, mes mille et unes aventures et mes questionnements. J’ai l’espoir que tu t’y reconnaitras et que nous pourrons créer au moins virtuellement, cette sororité qui me fait tant rêver !
D’ailleurs ce journal est ouvert à tous·tes les escorts qui ont envie de partager leurs pensées et leurs histoires. Pour ça il suffit que tu m’écrives un mail à pussy@callmetoplay.ch et je le publierai avec plaisir ! Tu peux aussi m’écrire si tu souhaites que j’aborde un sujet en particulier dans mon journal. Tu peux donc te sentir libre de commenter les articles de ce blog et tu peux aussi utiliser mon adresse mail si tu as envie de discuter ou de partager quelque chose de manière anonyme.
Je sais que la plupart des personnes qui passent par ici sont des clients ou des curieux. Ce journal ne divulguera donc que très peu les secrets d’alcôve nécessaires à la création de ces espaces hors du temps à l’intérieur desquels nous nous rencontrons. Cependant vous pourrez découvrir certains aspects de l’envers du décor, ceux qui feront peut-être parfois craquer le vernis dont nous aimons nous recouvrir pour vous séduire.
Le but n’est pas de faire disparaître cette illusion que nous sommes toutes et tous d’accord d’entretenir lors de nos rencontres, mais simplement de laisser percer plus de lumière d’humanité à travers nos armures de dentelles. Parce que quel que soit le côté de l’écran duquel nous nous trouvons, je suis profondément convaincue que si vous venez nous voir, que si vous me lisez ici, ce n’est que rarement pour un simple orgasme mais bien plus souvent dans l’espoir d’une réelle connexion entre deux êtres humains. Libérés des enjeux relationnels du reste du monde, allégés de la pression de performance pour simplement vous abandonner pleinement le temps de quelques instants avant de repartir dans la vie. S’il y a des sujets que vous souhaitez me voir aborder, des questions que vous vous posez sur notre métier, n’hésitez pas à m’écrire un mail et je vous répondrai avec plaisir, individuellement ou en écrivant un chapitre de ce journal sur la thématique que vous soulevez !
Prenez soin de vous
Pussy