Qui suis-je et pourquoi j'écris ici ?

par Pussy

6 minutes de lecture.
Qui suis-je et pourquoi j'écris ici ?

Je m’appelle Pussy et ça fait 8 ans que je suis escort. Je n’aurais jamais cru qu’un fantasme d’étudiante s’éterniserait autant et prendrai une telle place dans ma vie. Malgré ce qu’on peut imaginer quand on pense à une prostituée avec quasiment une décennie de pratique, ma vie me plaît beaucoup et j’aime toujours mon travail. Bien sûr il y a des choses qui ont changé avec l’expérience, et même s’il y a moins d’excitation, je pense avoir la même joie à faire des rencontres qu’au début.  Au fil du temps c’est devenu moins exceptionnel mais je continue à m’émerveiller d’avoir la chance de vivre cette vie. Je mentirais si je disais qu’il n’y avait eu que de belles expériences et ici j’ai décidé de ne pas cacher la vérité. Oui il y a eu des jours plus sombres, et encore aujourd’hui je suis parfois prise de doutes sur mes choix de vie… Promis, j’en parlerai plus tard.

Ce qui m’a attirée dans ce monde, c’est les filles. Comme pour beaucoup, la figure de la prostituée me fascinait ! Je me souviens que quand j’étais enfant et qu’avec mes parents on passait dans une zone de prostitution de rue, je regardais ces femmes en essayant d’imaginer leur vie et ce qu’elles ressentaient. Je me disais que quand je serai grande je paierais une fille juste pour qu’on puisse discuter et qu’elle me raconte sa vie. Je n’ai finalement jamais payé une escort pour qu’elle partage avec moi son quotidien, mais depuis que j’ai commencé ce travail, j’ai toujours cherché à rencontrer d’autres personnes « comme moi ». 

J’ai travaillé un moment dans une agence et j’ai eu l’occasion de rencontrer d’autres travailleuses du sexe pendant des duos mais quand je leur ai proposé d’aller boire un verre après avoir fini avec le client, elles n’étaient pas motivées. Je me suis dit que c’était peut-être une manière pour elles de rester loin de ce milieu. Un peu comme si avoir une amie escort allait les confronter au fait qu’elles le sont aussi ? La société est tellement sévère avec celles qui décident de devenir filles de joie que c’est comme s’il fallait tout faire pour oublier voire nier cette étiquette qui nous restera attachée toute la vie. Parfois, vouloir rester dans l’illusion que l’on n’appartient pas à ce monde-là relève simplement de la survie psychique. Je le comprends très bien. Je reste cependant convaincue que pouvoir se reconnaître dans un autre être humain pour qui on a du respect et de l’estime, cela aide à s’aimer soi-même un peu plus et à être fière de qui on est quelle que soit l’activité qu’on exerce…

J’ai aussi essayé d’aller travailler dans un salon. Dans mon fantasme je rencontrais une communauté de filles qui auraient envie de partager ce qu’elles vivent, et cela allait être incroyable d’être ensemble, de partager notre quotidien. En réalité j’ai été très déçue: j’avais l’impression qu’elles se considéraient comme des rivales, qu’elles se comparaient tant au niveau des prestations que de l’argent gagné ou encore de leur physique. Elles se méfiaient les unes des autres, j’ai même entendu parler d’histoires de vols. J’ai trouvé ça triste et j’avoue que je ne m’y attendais pas… Ca m’a mise en colère: l’entier de la société nous considère mal à cause de notre métier alors entre nous on devrait être deux fois plus bienveillantes et encourageantes pour compenser ! C’était tellement bizarre cette ambiance que je suis très vite partie, avant même la fin de la semaine. 

Je n’ai pas laissé tomber ma quête; j’ai mis des annonces pour trouver une compagne et proposer des plans à trois. J’ai eu la chance de rencontrer une fille géniale avec qui j’ai travaillé durant plusieurs années. Au début on n’osait pas se donner nos vrais prénoms, on était méfiantes. Et puis au fil des mois et des clients, on a commencé à se raconter et à échanger sur des choses plus intimes. Malgré toutes nos différences tant de caractère que de centres d’intérêts ou d’histoire de vie, évoluer au quotidien à la marge du reste du monde a servi de socle à notre amitié. En dehors l’une de l’autre, nous étions très seules et notre travail est quand même difficile: si on est complètement isolée je ne pense pas que l’on puisse s’en sortir indemne…

Lorsque l’équipe de Callmetoplay m’a demandé d’écrire dans un journal virtuel sur le site, j’ai tout de suite dit oui. J’ai envie de croire qu’il est possible de créer du lien à travers l’écran alors je le ferai en partageant mon quotidien, mes mille et unes aventures et mes questionnements. J’ai l’espoir que tu t’y reconnaitras et que nous pourrons créer au moins virtuellement, cette sororité qui me fait tant rêver ! 

D’ailleurs ce journal est ouvert à tous·tes les escorts qui ont envie de partager leurs pensées et leurs histoires. Pour ça il suffit que tu m’écrives un mail à pussy@callmetoplay.ch et je le publierai avec plaisir ! Tu peux aussi m’écrire si tu souhaites que j’aborde un sujet en particulier dans mon journal. Tu peux donc te sentir libre de commenter les articles de ce blog et tu peux aussi utiliser mon adresse mail si tu as envie de discuter ou de partager quelque chose de manière anonyme.

Je sais que la plupart des personnes qui passent par ici sont des clients ou des curieux. Ce journal ne divulguera donc que très peu les secrets d’alcôve nécessaires à la création de ces espaces hors du temps à l’intérieur desquels nous nous rencontrons. Cependant vous pourrez découvrir certains aspects de l’envers du décor, ceux qui feront peut-être parfois craquer le vernis dont nous aimons nous recouvrir pour vous séduire. 

Le but n’est pas de faire disparaître cette illusion que nous sommes toutes et tous d’accord d’entretenir lors de nos rencontres, mais simplement de laisser percer plus de lumière d’humanité à travers nos armures de dentelles. Parce que quel que soit le côté de l’écran duquel nous nous trouvons, je suis profondément convaincue que si vous venez nous voir, que si vous me lisez ici, ce n’est que rarement pour un simple orgasme mais bien plus souvent dans l’espoir d’une réelle connexion entre deux êtres humains. Libérés des enjeux relationnels du reste du monde, allégés de la pression de performance pour simplement vous abandonner pleinement le temps de quelques instants avant de repartir dans la vie. S’il y a des sujets que vous souhaitez me voir aborder, des questions que vous vous posez sur notre métier, n’hésitez pas à m’écrire un mail et je vous répondrai avec plaisir, individuellement ou en écrivant un chapitre de ce journal sur la thématique que vous soulevez !

Prenez soin de vous

Pussy

 

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Raph-à-Ailes
Ecrit par Raph-à-Ailes le mai 5, 2023
Après avoir vécu de nombreuses et merveilleuses rencontres avec des TdS, j'abonde dans l'idée que c'est avant tout une rencontre entre deux êtres, deux parcours de vie, rencontre délestée des enjeux affectifs et des faux semblants habituels. J'espère que la solidarité s'organise, que les règles s'améliorent et que ce métier trouvera bientôt une reconnaissance sociale au même titre que toute autre activité professionnelle. Bravo !
fomamour69
Ecrit par fomamour69 le juillet 17, 2022
repond moi : interliaison44@gmail.com
Elvio Martini
Ecrit par Elvio Martini le mai 31, 2021
Très belle initiative, plus que nécessaire pour bien des personnes. J'apprécie beaucoup toute démarche visant à visibiliser nos métiers et à lever le nuage de fumée sur ce qui est pratiqué depuis des millénaires mais encore bien trop abordé, donc je ne peux que soutenir ta démarche. Amicalement, Elvio
fomamour69
Ecrit par fomamour69 le mai 17, 2021
vais te lire pour mieux te connaitre...bisous..F.
folamour,membre Aspasia
Ecrit par folamour,membre Aspasia le juillet 16, 2022
ai organise un team de + de 500 filles extremement sexy et attractive toute originaire des pays slaves dont ukraine..toutes ont choisies cette super`activite librementv soit par vice soit pour survivre ou vivre tout simplement...bien que je recois un pourcentage je asure protection..logement..nourriture...voyages..vacances dans des lieux idyliques ( Bora bora) par ex. nous ne travaillons pas a geneve vu permis non acquis pour nous etrangers,hors shengen!"aimerions beaucoup venir ici!"si Pussy tu as des idees..Merci! suis suisse et membre d'aspasie..le meilleur des syndicats! Je vous embrasse toutes folamour
Mélanie
Ecrit par Mélanie le avril 19, 2021
Bonjour Pussy et merci d'avoir écrit cet article. J'espère qu'il y aura plus de réactions, que ce soit de la part d'escortes ou de clients, puisque tout le monde peut te lire. Je suis aussi une escorte indépendante et je te félicite pour avoir partagé ton expérience avec nous tous et toutes. Malheureusement c'est vrai ce que tu dis concernant le manque de solidarité entre les filles. Notre monde est semblable au monde dehors, dans lequel l'envie et la jalousie prédominent, hélas! Mais je pense que les filles auraient à gagner si elles étaient unies et solidaires. En restant chacune dans son coin, nous sommes perdantes à la fin. Par exemple, un problème (de taille) que je constate est lorsque les clients prennent rendez-vous et ne viennent pas. Cela nous fait perdre énormément d'argent, car nous réservons du temps pour quelqu'un qui ne vient pas et nous perdons d'autres qui aimeraient venir. Pourquoi le client fait ça? C'est simple: il n'a rien à perdre, car il ne donne pas d'acompte pour prendre rendez-vous. Lorsqu'il réserve une escorte par le biais d'une agence il doit verser un pourcentage lors de la réservation et cela fait toute la différence! Si nous étions unies et solidaires, nous systématiserions notre métier avec plus de règles, auxquelles tous les clients devraient se plier et ce problème serait résolu une fois pour toutes.
JulieCherry
Ecrit par JulieCherry le mars 11, 2021
Je fait donc exception sur le sujet de ceux qui te lise car je ne suis ni cliente, ni curieuse, mes juste que j'incarne la petite fille que tu était autrefois ;-)
gianni
Ecrit par gianni le février 26, 2021
Parce que quel que soit le côté de l’écran duquel nous nous trouvons, je suis profondément convaincue que si vous venez nous voir, que si vous me lisez ici, ce n’est que rarement pour un simple orgasme mais bien plus souvent dans l’espoir d’une réelle connexion entre deux êtres humains. Libérés des enjeux relationnels du reste du monde, allégés de la pression de performance pour simplement vous abandonner pleinement le temps de quelques instants avant de repartir dans la vie......c'est tellement vrai et bien dit. Quelle belle âme vous êtes!
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